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La consécration en 1144 de la basilique de Saint-Denis par l’abbé Suger inaugure l’art gothique, dont la naissance fut longtemps expliquée par l’histoire des formes et des techniques: grâce à diverses découvertes architecturales, le nouveau style se serait peu à peu détaché du roman. La collaboration entre six historiens de l’art et de la pensée conduit à repenser cette explication. D’abord, l’art gothique apparaît bien moins comme la continuation du roman que comme le renouvellement d’un art paléochrétien, lequel était d’ailleurs bien présent dans la basilique présugérienne. Ensuite, le nouveau style est un art à la fois total et cohérent: dès Saint-Denis, l’architecture, la sculpture, le vitrail et les ornamenta ecclesiae sont intégrés dans un programme unifié qui ne saurait s’expliquer sans une étroite collaboration entre le commanditaire Suger et son maître d’œuvre anonyme. Tout ceci conduit à scruter la personnalité intellectuelle de l’abbé Suger: les sources littéraires de ses écrits attestent une familiarité avec la poésie paléochrétienne, tandis que leur tonalité théologique et spirituelle invite à explorer le jeu des relations avec l’école de Saint-Victor. Celle-ci se distingue par la place originale que font Hugues et Richard à l’architecture, soit comme technique, soit comme métaphore de la théologie ou de la vie spirituelle, et par une doctrine dont les thèmes favoris s’accordent de façon singulière avec les tendances profondes du nouveau style. En définitive, malgré son sobriquet de «gothique» dont on entendait flétrir au XVIe s. tout ce qui s’écarte de l’Antiquité, l’art nouveau, porté par le projet de Suger et la pensée humaniste des Victorins, doit être considéré comme un art de Renaissance.