دانلود کتاب Hegel et la Pensée Philosophique en Russie. 1830-1917
by Guy Planty-Bonjour
|
عنوان فارسی: هگل و اندیشه فلسفی در روسیه. |
دانلود کتاب
جزییات کتاب
Guy Planty-Bonjour, Hegel et la pensée philosophique en Russie :
1830-1917 (Archives internationales d'histoire des idées. International
Archives of the History of Ideas, 64). Un vol. 24x16 de vni-343 pp.
La Haye, Nijhoff, 1974. Prix : rel. 69 FH.
On connaissait déjà l'ouvrage de Tschizewskij sur la diffusion de
Hegel en Russie (Hegel bei den Slaven, 2e éd., 1961), qui néglige les
opposants à Hegel et les hégéliens marxistes. L'A. entend combler
cette lacune et, de plus, voir pourquoi certains s'opposèrent à Hegel,
pourquoi d'autres s'inspirèrent de la méthode tout en rejetant le
système, pourquoi d'autres encore devinrent hégéliens de part en part.
Bref, il envisage la fortune du hégélianisme à travers l'ensemble de
la pensée russe.
La première partie (Hegel dans le débat entre occidentalistes et
Slavophiles) couvre à peu près le règne de Nicolas Ier. On se doute
que si le hégélianisme se répandit en Russie, il le dut à sa force propre,
car tout ce qui était philosophie était sinon systématiquement interdit,
du moins toujours suspecté et généralement entravé. Banni des
274 Comptes rendus
universités, il se répandit dans les cercles et les salons, submergeant
tout vers 1835, enthousiasmant ceux qu'on a appelés les hégéliens
des années 40, qui se passionnèrent d'abord pour le côté spéculatif
de Hegel puis pour sa pensée historique et politique. L'A. illustre ce
déferlement et ce double engouement par deux exemples historiques
(Stankevic pour la tendance spéculative et Granovskij pour la
philosophie de l'histoire), qu'il complète par les critiques de schellingiens
notables de l'époque (ainsi Caadaev et Odoevskij). La critique de
Caadaev est forte et perspicace, qui conclut que c'est l'Absolu et
non Dieu qui fait la clef de voûte du hégélianisme. Cette critique sera
générale en Russie et la plus essentielle pour les Slavophiles : cette
philosophie est anti-religieuse, sinon athée, et est exemplaire de la
pensée occidentale dont elle est la fin (aux deux sens), puisqu'elle
illustre à la perfection ce qu'engendre la raison sans le commerce
avec la foi. Une double tradition apparaît dès le début : l'une
prolongeant Stankevic, s'accomplira avec Belinskij et Bakounine (même
s'ils s'opposèrent finalement à Hegel dont ils rejetèrent ce qu'ils en
avaient compris ou voulu comprendre), l'autre approfondira les
critiques des schellingiens. Ce sera l'opposition des Slavophiles et des
occidentalistes. Le débat qui agite les premiers porte précisément sur
la portée de Hegel pour la Russie, puisque pour eux il est la clef de
voûte et le chant du cygne de l'Occident qui n'a plus rien à apporter.
Ils dépassent Hegel en le niant et Schelling en le prolongeant.
L'A. détermine très bien l'influence de Hegel sur leur doctrine et
tout le lacis Slavophile, où l'on se tromperait en simplifiant les
oppositions faciles : slavophiles-droite hégélienne contre occidentalistesgauche
hégélienne. Les Slavophiles n'ont jamais fait partie de la droite
hégélienne car il n'y en eut jamais. D'autre part, les occidentalistes
(sauf Herzen) ont cru, du moins un certain temps, que la philosophie
de Hegel était profondément religieuse. D'où leur attachement à la
distinction bien connue entre la méthode et le système. Au fond, les
deux adversaires se rejoignaient dans leurs appréciations. Signalons
que Herzen a droit à un chapitre entier, justifié par son originalité
et sa profonde connaissance du hégélianisme. S'il s'en est détaché,
c'est qu'il l'avait longuement et parfaitement assimilé.
La deuxième partie débute avec le règne d'Alexandre II. Le
régime devient un peu plus libéral. Le ton change : les gens des années
60 sont des réalistes qui ne se contentent plus de discuter mais veulent
passer à l'action, parfois révolutionnaire ou nihiliste ou anarchiste.
On ne remarque toujours pas d'études historiques ou de thèses
scientifiques, il s'agit plutôt de penseurs qui se mesurent à Hegel ou
grâce à lui. L'A. distingue trois courants parmi eux : un groupe qui
veut unir la dialectique au matérialisme, un autre qui rassemble des
« chrétiens » dont les uns s'opposent à la pensée religieuse de Hegel
et les autres font leur sa philosophie politique, le groupe des marxistes
enfin, qui radicalisent la tradition du hégélianisme de gauche.
Philosophie contemporaine 275
Dans le premier groupe sont réunies des tendances que leur
attitude face à Hegel permet d'assortir : les populistes avec Lavrov
qui dénonce dans Hegel la réaction et le conservatisme, et surtout les
démocrates populaires avec Oerny sevskij , qui est l'un des fondateurs
du matérialisme dialectique et qui fut le premier en Russie à donner
une lecture vraiment matérialiste de Hegel. On lui doit aussi une
esthétique qui s'inspire de Feuerbach et est devenue l'esthétique
soviétique officielle, où Hegel intervient très peu. Quant aux chrétiens
anti-hégéliens ou néo-hégéliens, il ne faudrait pas voir en eux de simples
héritiers directs des Slavophiles. Le débat chez eux porte sur un point
précis : quel est le lieu de l'Absolu ? (p. 228). Strachov s'affirme
ouvertement hégélien et s'attelle à la défense de Hegel : Hegel est
un mystique et son Absolu est Dieu, alors que Khomjakov avait
répété que l'Absolu ne laissait aucune place à un Dieu personnel.
Gogockij reproche à Hegel de n'avoir pas tenu sa promesse si attirante,
unir la transcendance à l'immanence, et lui oppose l'objection
personnaliste que Soloviev et surtout Berdiaeff développeront à loisir.
L'A. consacre plusieurs pages fort intéressantes à Soloviev, que l'on
voit osciller entre les deux interprétations classiques du hégélianisme,
panlogisme et réalisme. Comme Bielinski et tant d'autres Russes
(c'est une constante), Berdiaeff remontre à Hegel que la personne ne
se retrouve pas chez elle dans le système oppressif par son universalité
anonyme. Sans doute insiste-t-il sur la signification existentielle de la
dialectique du maître et de l'esclave, mais sa critique reste entière :
il n'y a d'esprit que subjectif, esprit objectif et anéantissement de la
liberté sont des notions identiques. Surtout, cet impersonnalisme
élimine tout tragique dans l'indéfinie résolution synthétique qui se
trouve très bien de la finitude et ne cesse de broyer toujours plus
profondément la personne pour la réduire en bonne poussière sociale.
Vers 1890, des auteurs tentèrent de s'opposer au positivisme et
au marxisme qui progressaient, par un retour à Hegel : c'est le néohégélianisme
avec B. Cicerin surtout, fondateur de l'École du droit
historique russe. Ce mouvement libéral se situait entre la fixité absolue
des Slavophiles et la volonté révolutionnaire des hégéliens de gauche,
condamnait la révolution, rupture du développement de l'histoire,
négativité mal entendue trahissant une méconnaissance de Hegel.
C'est la révolution que veulent justifier Plechanov et Lénine, et
par Hegel justement, dans sa Science de la logique plus précisément.
Les populistes dénoncent dans le marxisme une simple dépendance
du hégélianisme (auquel on reproche, une nouvelle fois, de faire fi de
la personne), dont il alimente la dialectique par une critique économique
subordonnée ainsi à un système métaphysique. Plechanov n'entreprend
de réhabiliter Hegel que dans un seul but — défendre le marxisme — ,
et rejoint la critique des Slavophiles : Hegel ne pouvait qu'engendrer
le matérialisme dialectique et Marx. Plechanov est le véritable
fondateur du marxisme russe. Sa compréhension de la dialectique
hégélienne est passée telle quelle dans Lénine, ce qui ne lui épargna
276 Comptes rendus
pas l'ingratitude des bolcheviks quand il se sépara d'eux. Quant à
Lénine, très critique au début à l'égard de Hegel et de sa dialectique
abstraite, il s'aperçut peu à peu qu'il pouvait être précieux au
marxisme, jusqu'au moment où il entama la lecture de la Science de
la logique en 1914. Ses notes sont consignées dans ses Cahiers
philosophiques, où on voit Lénine, constatant que le matérialisme
métaphysique est insuffisant pour prouver que la réalité est matérielle,
trouver dans Hegel la méthode qui est propre à cela, la dialectique.
L'option matérialiste commande tout chez Lénine, il ne retient de la
Logique que l'idée d'un devenir de l'être, dont la dialectique est
l'expression. Méconnaissant de nombreux textes de Hegel, il pose
que la médiation est une mise en corrélation de réalités extérieures
les unes aux autres. La difficulté était d'unir Matérialisme et empiriocriticisme
et les Cahiers philosophiques. Les héritiers des bolcheviks
ont décidé pour le premier : « Tout ce que Lénine pouvait encore
avoir conservé d' hégélianisme de gauche allait pratiquement disparaître
avec la philosophie soviétique. Historiquement, le marxisme soviétique
qui aurait dû conduire à un renouvellement de l'hégélianisme de
gauche a entraîné son effacement presque complet» (p. 332).
On retiendra tout particulièrement le chapitre des conclusions,
où l'A. brosse un excellent tableau de la situation spirituelle de la
Russie. Un trait est constant en Russie, c'est la lutte pour affranchir
la personne des pressions de la société. Ce personnalisme est presque
viscéral. Ainsi chez Bielinski qui reproche à Hegel d'anéantir l'individu
sous le culte de l'universel, ou chez Herzen qui veut prolonger le
hégélianisme dans une philosophie de la personne, ou chez Berdiaeff
qui lui préfère nettement Kant qui n'a pas tenté de faire descendre
le nouménal dans les phénomènes et qui assurerait ainsi la liberté de
la personne. La solution des rapports entre la personne et l'État
échappe quasiment à tous (sauf Cicerin). On remarque aussi une
tendance spontanément réaliste chez les Russes, qui très souvent
dénoncent dans Hegel le panlogisme. Et la majorité d'entre eux, au
début, reconnaissent dans l'Absolu le Dieu de la tradition. C'est
ainsi que les occidentalistes contestaient le hégélianisme car ils
estimaient qu'il n'avait pu développer toutes ses virtualités précisément
à cause de cette notion d'Absolu. Puis on en vint peu à peu à poser
la question de l'athéisme de Hegel et à conclure : impossible d'en
faire une lecture religieuse, car il mène inévitablement à l'athéisme
(les slavophiles). Et on dira même (les hégéliens de gauche) : le
hégélianisme est un matérialisme qui s'ignore. Tous s'accordent : Hegel
annonce la mort de Dieu. C'est là une des conclusions à retenir de la
réflexion des Russes. Remarquons aussi que le thème hégélien du
peuple élu ne pouvait que se rencontrer avec le messianisme russe
— la Russie n'a pas de passé, elle a tout l'avenir — , et que la Russie
n'a pratiquement pas connu de droite hégélienne. « Enfin, malgré les
brillantes variations directement inspirées de l'hégélianisme sur
l'importance de la dialectique comme fondement de la pratique
Philosophie contemporaine 277
sociale, les tendances individualistes, nihilistes, anarchistes ou au
contraire collectivistes si vivaces en Russie à cette époque firent que
la philosophie politique de Hegel n'a pas réussi à influencer
favorablement le devenir de l'état russe» (p. 332).
Ce livre semblait tenter une gageure. Il y a réussi, et il en
résulte une vaste et véritable synthèse qui se recommande tout
particulièrement.
Jean-Pierre Deschepper.
Angèle Kremer-Marietti, L'homme et ses labyrinthes. Essai sur
Friedrich Nietzsche (10/18 Inédit). Un vol. 18x11 de 414 pp. Paris,
Union générale d'éditions, 1972.
L'auteur est connu par divers ouvrages d'histoire de la philosophie
et notamment par ses Thèmes et structures dans l'oeuvre de Nietzsche
(Paris, Lettres modernes, 1957). Son livre dense et touffu, encore que
parfaitement ordonné, ouvre sur l'oeuvre de Nietzsche des perspectives
profondément suggestives et prouve, une fois de plus, s'il le fallait
encore, combien Nietzsche s'impose à nos contemporains. Un premier
éclaircissement du titre est donné par la « définition » du terme
labyrinthe comme signifiant « essentiellement une structure profonde »
(p. 8). Il doit nous conduire à la racine dernière, à la vérité radicale.
En bref : recouvert par le langage, la science et la loi humaine en
général, il rassemble tous les chemins de l'envers du monde. Au fond,
il est l'envers de toutes les conventions humaines sur lesquelles l'homme
voudrait ne plus revenir... Puisque Nietzsche descend dans le
labyrinthe, on comprend dès lors que son oeuvre doive être lue comme
un « cryptogramme qui ne se laisse pas facilement entendre» (p. 309).
Nous conseillons vivement au lecteur de saisir le fil d'Ariane que lui
tend si généreusement et si intelligemment l'auteur de ce beau livre.
Nous sommes persuadé qu'il ne le refermera pas sans avoir été enrichi.
Jean-Dominique Robert.
James Robert Dionne, Pascal et Nietzsche. Étude historique
et comparée. Un vol. 25,5x15,5 de m-150 pp. New York, Burt
Franklin and Co., 1974.
La thèse de doctorat en Sorbonne que M. Dionne nous donne ici
se propose de combler une grave lacune dans l'histoire des idées : si
l'on a évoqué, plus d'une fois, les affinités ou les contrastes existant
entre Pascal et Nietzsche, il n'y avait pourtant pas encore jusqu'ici
d'étude systématique consacrée aux rapports complexes unissant les
deux penseurs.