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Pour Canguilhem, « l’entrelacement de l’idéologie et de la science doit empêcher de réduire l’histoire d’une science à la platitude d’un historique, c’est-à-dire d’un tableau sans ombres de relief ». Le vivant, en tant qu’objet de la biologie, est lui-même le produit d’une histoire. Or, qui s’intéresse à l’histoire de la biologie par intérêt philosophique ne peut manquer d’être frappé par la permanence d’une tendance à l’anticipation du savoir à venir – une anticipation qu’il faut bien qualifier de présomptueuse, et qui peut se révéler précipitation vers l’impasse. Peut-on tenir pour « idéologie » ce dépassement-déplacement de l’objet scientifique? Dans l’histoire des sciences de la vie, la tentation permanente de l’idéologie est-elle ou non le symptôme d’une aliénation, comparable à celle que les marxistes s’efforcent de dénoncer dans l’ordre de l’économie politique et de la sociologie?
Georges Canguilhem (1904-1995), médecin, philosophe et épistémologue français. En 1955 il est nommé professeur à la Sorbonne et directeur de l’Institut d’histoire des sciences, succédant à Gaston Bachelard; il occupera ce poste jusqu’en 1971.