جزییات کتاب
Le titre de cet ouvrage en indique bien l'objet précis et les grandes divisions. L'auteur étudie le monophysisme dans ses origines, du concile de Chalcédoine jusqu'à sa constitution en Eglise autonome par Jacques Baradée; et dans le monophysisme, il choisit la secte qui a été de beaucoup la plus importante, et qui a trouvé en Sévère son grand théologien. Monophysisme, en effet, n'est point synonyme d'eutychianisme. Dès l'origine de la lutte contre le concile de Chalcédoine on distingue deux groupes d'opposants bien distincts : les eutychianistes purs, ceux qui sont vraiment monophysites dans le sens que nous attachons à ce mot, qui nient que JésusChrist nous soit consubstantiel par son humanité, etungroupede cyrilliens authentiques, dont Dioscore, Timothée yElure, Philoxène de Mabboug et Sévère d'Antioche sont les principaux représentants. Ceux-ci anathématisent la doctrine d'Eutychès, et en cela ils sont d'accord avec le concile de Chalcédoine; mais ils trouvent dans la définition de ce concile, et surtout dans le iomos de saint Léon, des expressions qui heurtent violemment la terminologie dont ils font usage; ils croient découvrir dans les formules chalcédoniennes un nestorianisme déguisé, et, sans prendre le temps ni la peine d'examiner le sens véritable des termes qui les choquent, ils partent en guerre contre les catholiques, qui, eux non plus, ne saisissent pas la portée réelle de la terminologie de leurs adversaires. Les deux premières parties de l'ouvrage, l'étude historique (p. 1-82) et l'étude littéraire (p. 83-175), n'ont d'autre but que de préparer la troisième, l'étude théologique (p. 176-526). C'est en effet avant tout un exposé méthodique et aussi complet que possible de la christologie monophysite que M. Lebon a voulu écrire. Tout en ne visant qu'à retracer les grandes lignes de l'histoire de la résistance au concile de Chalcédoine, l'étude historique mérite cependant d'attirer l'attention par les données nouvelles et les rectifications qu'elle renferme, l'auteur ayant utilisé des documents inédits, qui donnent la clé de certains problèmes jusqu'ici insolubles. On remarquera en particulier ce qui est raconté du synode de Sidon en 5 12, et ce qui a trait aux divers partis qui se combattaient à Alexandrie, à l'époque de Pierre Monge. L'étude littéraire passe en revue les écrits de Dioscore, de Timothée yElure, de Philoxène et surtout de Sévère. Les diverses étapes de la polémique de ce dernier contre les chalcédoniens sont clairement déterminées. L'auteur dit aussi un mot de la polémique de Sévère contre Julien d'Halicarnasse. Nous ne pouvons qu'indiquer les grandes divisions de l'étude théologique, qui occupe près des deux tiers du volume. Une première section est consacrée à l'examen de la christologie scripturaire et patristique des monophysites. Parmi les livres de l'Ecriture, les monophysites ont une préférence marquée pour l'Evangile, de saint Jean. Parmi les Pères, c'est avant tout saint Cyrille qu'ils mettent en avant. Le chapitre iv de cette section est particulièrement intéressant. Il établit que, pour les monophysites, le Verbe incarné est Dieu parfait et homme parfait, consubstantiel au Père et à nous, qu'il est resté parfaitement immuable dans l'Incarnation et qu'il n'y a eu en lui ni mélange, ni confusion, ni transformation de la divinité et de l'humanité. C'est la pure doctrine orthodoxe. Les chalcédoniens ne disaient pas mieux. Mais, alors, pourquoi cette polémique ardente, ces anathèmes réciproques entre les uns et les autres? La deuxième section intitulée : le Développement scientifique de la christologie monophysite nous donne la solution de l'énigme. Sans doute, monophysites et catholiques sont d'accord pour le fond; il est impossible d'en douter, après avoir lu l'ouvrage de M. Lebon; c'est un résultat désormais acquis à l'histoire des dogmes, et qui nous paraît absolument inattaquable. Mais les uns et les autres ne parlent pas le même langage. Ils ne s'entendent pas sur le sens des termes (φύσις, ύποστασις, προ'σιυπον, ίδιον) ni, par suite, sur le sens des formules. Pour les monophysites disciples de saint Cyrille, les mots φύσις, ύπόστασις, πρόσωπον sont absolument synonymes. Le terme 'ίδιον, propriété, n'a qu'un sens concret et individuel; il ne peut se rapporter qu'à la personne. Mettez-vous cela dans la tête; pénétrezvous-en de manière à ne pas concevoir que ces mots puissent avoir une autre signification; puis lisez la définition de Chalcédoine et le tomos de Léon ; vous ne pourrez vous empêcher d'y découvrir le nestorianisme. La formule èv δύο φύσεσιν, in duabus naturis, signifiera qu'il y a deux personnes dansleChrist.Ellevousparaîtraabsolument inacceptable; tout au plus consentirez-vous à dire avec Sévère « έκ δύο φύσεων ou δύο φύσεις έν θεωρία, deux natures in abstracto, en vous plaçant au seul point de vue de la considération intellectuelle. Pour vous, la vraie formule orthodoxe sera celle de saint Cyrille : μία φύσις του Θεού Λόγου σεσαρκωμένη. On savait déjà que pour saint Cyrille le mot φύσις était, dans cette fameuse formule, synonyme d'hypostase. Quelquesuns cependant persistaient à en douter. Le doute n'est plus permis, quand on voit les fidèles disciples de l'évêque d'Alexandrie nous dire par la bouche de Sévère que les termes φύσις et ύπόστασις marquent des notions différentes en théologie proprement dite, c'est-à-dire dans l'exposé du dogme trinitaire, mais qu'ils sont synonymes, lorsqu'on parle de l'économie, c'est-à-dire du mystère de l'Incarnation (p. 249). Vous serez encore scandalisé, si vous adoptez la terminologie monophysite, d'entendre saint Léon proclamer que les deux natures conservent leurs propriétés après l'union. La propriété 'ίδιον est un terme hypostatique; il vise le sujet d'attribution. Dire que les deux natures conservent chacune leur propriété est une expression nestorienne renforcée. Les catholiques, de leur côté, ne saisissent pas ou ne saisissent qu'imparfaitement la valeur des termes et des formules monophysites. Celles-ci rendent à leurs oreilles le son de l'eutychianisme pur. De là, le malentendu, malentendu vraiment déplorable, que tout concourt à entretenir, et qui va être si désastreux pour l'unité de l'Eglise. Contrairement à ce qu'aiment à affirmer les historiens rationalistes, M. Lebon pense que la cause principale de ce malentendu fut d'ordre religieux et que l'influence des causes politiques, sans être complètement absente, ne vient qu'au second plan. Il est difficile, après l'avoir lu, de ne pas lui donner raison Certains historiens du dogme se contentent parfois de soulever par leurs études des problèmes d'ordre doctrinal, qu'ils ne cherchent pas à résoudre et qu'ils abandonnent un peu dédaigneusement aux théologiens de profession. Il faut féliciter M. Lebon de n'être pas de ceux-là. Son livre semble aboutir à première vue à la réhabilitation complète des monophysites sévériens, condamnés par l'Eglise comme hérétiques. L'Eglise a -telle eu raison? M. Lebon pense que oui. « L'éloignement égal des eutychianistes et des nestoriens, l'attachement à la doctrine de saint Cyrille ont garanti aux monophysites de la secte sévérienne une orthodoxie matérielle que nous avons eu soin de leur reconnaître. Nous ne les avons pas pour cela justifiés. Il peut être vrai que mille circonstances expliquent en bonne part l'attitude de nos docteurs ; nous ne ferions nulle difficulté d'admettre que bon nombre d'entre eux furent dans une entière bonne foi; nous admirerions même leur amour de la vérité et du Christ, leur conviction profonde, leur courage invincible. Il n'en reste pas moins qu'ils se sont placés, par leur résistance et leur obstination, en dehors de la véritable et unique Eglise du Christ. Redoutaient-ils le nestorianisme? Ils n'avaient pas à craindre de se tromper en suivant celle à qui le Seigneur a confié la garde du dépôt de la Révélation En résistant obstinément au concile œcuménique qui représentait l'Eglise, les monophysites ont gâté leur cause. Ils sont devenus schismatiques ; disons plus : ils sont devenus hérétiques et ont mérité d'être anathematises comme tels dans les conciles postérieurs . Le magistère ecclésiastique est juge des nécessités de la foi ; il peut imposer, non seulement la doctrine, mais l'expression même et la formule dogmatique, pour préserver sûrement contre toute atteinte le dépôt de la Révélation. » (P. 523.) Disons en terminant que cet ouvrage nous paraît une monographie modèle de théologie historique tant par la richesse de la documentation que par le choix de la méthode, la clarté et la sobre élégance de l'expression. M. Jugie.