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Gérard de Crémone (xiie s.) fut un traducteur possédé par une passion acculturante à laquelle il n'eut de cesse de tout sacrifier. Adepte de la traduction dite "?mimétique?", il constitue l'un des maillons essentiels de la chaîne des savoirs scientifiques et philosophiques médiévaux, qui se révèle déterminant pour préciser la manière dont l'ensemble des courants intellectuels grec, arabe et latin ont joué l'un sur l'autre dans la diffusion, l'assimilation et la transformation des instruments, méthodes et systèmes de pensée. A ce titre, sa version (De scientiis) du Recensement des sciences d'al-F?r?b? ([Kitab] Ihs?' al-‘ul?m) est d'autant plus intéressante qu'elle entra en concurrence directe avec celle de son contemporain et rival Dominicus Gundissalinus, partisan d'une traduction dite "?confiscatrice?". En procurant la première editio maior, fondée sur 4 manuscrits "?complets?", traduite et annotée, notre intention est d'apporter une contribution non seulement à l'élaboration du corpus gérardien, mais aussi à l'histoire des processus acculturants au Moyen Age. Dans l'importante étude qui la précède, la confrontation des traductions gérardienne et gondissalinienne nous a entre autres permis, en évaluant la distance qui les sépare l'une de l'autre, de mesurer toute l'incidence qu'un même contexte socio-culturel peut avoir sur deux sensibilités d'érudit de nature assez différente, voire opposée, et de montrer en quoi et dans quelle proportion elle a pu conditionner l'histoire de la réception du texte farabien dans la tradition latine des xiiie et xive siècles principalement.