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Il est aujourd’hui possible d’affirmer que, depuis la publication de L'Être et le Néant, s’est imposée une interprétation dominante de l’ontologie de Jean-Paul Sartre. Les origines les plus marquantes de cette lecture peuvent être attribuées au travail critique de Merleau-Ponty, dont la philosophie s’est développée en partie par affinité avec la pensée sartrienne et en partie en opposition avec elle. En fait, plutôt qu’une simple opposition, la critique merleau-pontyenne opère un questionnement approfondi des principes fondamentaux de l’ontologie sartrienne, en particulier en ce qui concerne le problème du dualisme. Le présent ouvrage met en question la lecture de Merleau-Ponty – et avec elle la vision dominante plus générale qui s’est constituée de L'Être et le Néant –, en proposant une autre lecture qui vise, non pas simplement à offrir des réponses aux apories soulevées par l’apparent dualisme de Sartre, mais à rendre surtout possible la reprise de cette pensée sur un mode original. Cette lecture exploite les éléments implicites dans le texte – ou même explicites, mais non travaillés – qui permettent de dépasser les difficultés posées par le dualisme. Par le biais de certaines analyses de Jacques Derrida sur les spectres, on verra surgir la spectralité comme une couche implicite de l’oeuvre, qui ébranle la base dualiste qui paraissait la soutenir. Ce mouvement révèle en même temps le caractère essentiel des relations de hantise, à tel point que nous comprenons pourquoi l’ontologie sartrienne peut être envisagée comme une hantologie. Ainsi, il est devenu possible de comprendre qu’un dualisme rigide entre pour-soi et en-soi ne rend pas compte d’une multiplicité de modes d’être présents dans le texte sartrien, ni non plus de l’importance des relations de hantise qui garantissent l’imbrication des régions ontologiques, parfois considérées comme incompatibles. Cette lecture démontre finalement qu’un mode de présence non intuitive des spectres ébranle la supposée « pureté lumineuse de la conscience, qui s’est établie comme paradigme du sujet sartrien, dans la mesure où la hantise révèle un type singulier d’opacité, qui inscrit finalement le sujet dans le monde et obscurcit sa relation à soi.