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Aux confins de la Colombie, du Venezuela et du Brésil, sur les rives du haut Rio Negro et de ses affluents, vivent plusieurs milliers d’Amérindiens de langue arawak, connus sous deux noms : Baniwa et Curripaco. Touchés, depuis trois siècles, par les entreprises militaires, religieuses et commerçantes qui ont marqué l’histoire de cette région de l’Amazonie, ils sont aujourd’hui divisés par les frontières nationales et des influences missionnaires différentes. Néanmoins, la conscience de posséder des racines locales anciennes, de former une communauté de langage, de partager une culture et des usages sociaux propres reste une donnée immédiate de leur vision du monde. Pour les Curripaco de Colombie, l’histoire moderne est le prolongement du mythe d’origine instituant les clans, les rites d’initiation et l’horticulture comme éléments fondateurs de leur société, par contraste avec un état antérieur dominé par la guerre, la chasse et l’isolement en forêt, représenté aujourd’hui par des groupes semi-nomades du Vaupès voisin. Le système des clans, de la terminologie de parenté, des usages de mariage et de résidence, forme le matériau ethnographique de cette étude. On y examine en particulier comment, pour une société formée de petites communautés politiquement indépendantes, des notions aussi fondamentales que celles de solidarité segmentaire et d’obligation mutuelle sont mises en œuvre dans les rites quotidiens de la communauté locale, dans les anciens rites de guerre et dans les formes cérémonielles de l’alliance de mariage. En faisant appel à deux motifs mythologiques, décrivant l’origine de la chasse, d’une part, et celle de l’horticulture, d’autre part, on montre comment les activités traditionnelles des Curripaco sont aussi des façons de penser la vie en société et leurs rapports avec la nature.